Les Possibilités

Création 2012

De Howard Barker

Collection Scènes Etrangères, Editions Théâtrales – Maison Antoine Vitez / Traduit de l’anglais par Sarah Hirschmuller et Sinéad Rushe en 2001 (année 1987 pour la langue originale)

Mise en Scène : Stefan Delon, assisté de Benjamin Duc
Interprètes :
Mathias Beyler / Julie Cucchiaro / Laurent Pigeonnat / Luc Sabot & Catherine Vasseur
Scénographie :
Daniel Fayet
Lumières :
Martine André
Création sonore :
Mathias Beyler

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/ / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / /  LA TRAGEDIE QUE NOUS RECHERCHONS

*Tragédie (n.f. du latin trageodia, du grec tragôdia) in Larousse.fr : Pièce de théâtre dont le sujet est le plus souvent emprunté à un mythe ou à l’histoire, mettant en scène des personnages illustres et représentant une action destinée à provoquer la pitié ou la terreur, par le spectacle des passions humaines et des catastrophes qui en sont la fatale conséquence.

Le théâtre que nous cherchons avec Barker est tragédie. La terreur et la douleur sont la base de l’univers sur-réel de la représentation de son théâtre et l’endroit du spectateur se situe à l’endroit très privé non du divertissement (c’est-à-dire étymologiquement du détournement) mais de l’avertissement (le faire savoir). Il ne s’agit pas de se faire plaisir en se séparant, un temps, de la réalité (comme on regarde une bonne comédie musicale) mais bien de prendre ladite réalité à bras-le-corps en laissant le merveilleux traumatisme de la représentation faire son œuvre en nous ; ou comme le dit Barker : « On ressort de la tragédie armé contre le mensonge. Au sortir de la comédie musicale, on se fait berner par le premier venu. » et « Un carnaval n’est pas une révolution. Après le carnaval, une fois les masques tombés, on est exactement comme avant. Après la tragédie, on ne sait plus qui on est. »

Cette perte des repères est la seule capable de révéler, un temps, l’humain à lui-même. La fonction de la tragédie de Barker n’est pas noire, ou sombre, ou ennuyeuse : elle est grave. Nous devons cette perte à ceux qui nous regardent parce que ceux qui viennent au théâtre n’y viennent pas pour être diverti, mais pour chercher une révélation.

Car pour être diverti, chacun sait où aller et les choix sont nombreux : théâtre de boulevard, de cabaret, les one man shows, les comédies musicales, etc. Je ne connais personne qui vienne au théâtre avec comme seule raison le divertissement (il n’y a qu’à voir la réticence avec laquelle les adolescents viennent au théâtre avec leur classe : ils sentent très bien que le divertissement n’est pas la seule composante d’une représentation) et l’ennui au théâtre ne vient pas de l’absence de divertissement, mais plutôt de sa trop grande proportion par rapport à cet invisible rendez-vous avec soi et le monde que seul l’art véritable (pas la virtuosité ou l’efficacité) peut donner.

Le fondement du théâtre de Barker est la Catastrophe, qu’il nomme plus simplement : la Tragédie.
«La tragédie affranchit le langage de la platitude. Elle rend la poésie à la parole. » «La tragédie ne se préoccupe pas de réconciliation. Par conséquent. C’est la forme d’art de notre temps.»
C’est à cette aune que nous nous livrons, à elle que nous nous déterminons ; la joie de croiser un auteur qui met son art au service de celle-ci est un moteur puissant dont nous userons.

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Howard Barker, dans son théâtre de la catastrophe, pose ses personnages dans des situations où leur humanité est mise face à ses contradictions et ses tabous.

Dans Les Possibilités il distingue 10 tableaux où s’exercent avec acuité ces situations.
En mettant en scène ses personnages par-delà le Bien et le Mal (« Même son souffle je brûlais de le boire […] Cela ne m’aurait rien fait si je l’avais vu ruisselant du sang de mon père, ou avec la cervelle de mon bébé sur ses bottes, ou s’il avait fait d’Israël une mare de sang », « et ses meurtres, ils m’ont submergée de désir », en confrontant les spectateurs à des images et à une langue – parfois lyriques, parfois tortionnaires, souvent les deux à la fois – Barker tente de retrouver l’essence du tragique.

Les Possibilités mettent en scène un monde toujours en crise, toujours en guerre, un monde cataclysmique : une famille de tisserands turcs pendant la guerre entre chrétiens et musulmans, l’empereur Alexandre sur un champ de bataille, des terroristes débusquant un homme en temps de guerre, un tortionnaire polonais dans un monde où la torture est un mal nécessaire, etc. Les spectateurs sont laissés (livrés ?) seuls devant la catastrophe et la douleur, essences de la tragédie. En réalité, pour Barker : « dans la tragédie, le public est désuni. Chaque spectateur est seul sur son siège. Il souffre seul. »

Et c’est là justement que se situe notre recherche : défaire le spectateur de l’obligation de la foule, de l’obligation de faire comme, de véhiculer la norme, etc. Lui proposer, pendant le temps d’un acte théâtral, la possibilité du délice d’être seul au milieu ! En effet, nous parlons sempiternellement de la solitude comme d’une fatalité (voire un destin !), jamais comme d’une arme ! Car enfin, goûter seul une émotion parce qu’on oublie les autres est de plus en plus rare au théâtre ; Barker nous y invite ; honorons-le : « Dans la tragédie, le public est désuni. Chaque spectateur est seul sur son siège. Il souffre seul.»

La tentative de ce spectacle est de mettre chaque spectateur face à la tragédie de Barker, seul au monde, sans contrôle.

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/ / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / ONZE BRIQUES DE CONSTRUCTION (10+1) Howard Barker

  1.  Un acteur est un menteur qu’il faut croire ? Certes. Ses mensonges ne peuvent être modestes. Qui a besoin d’un menteur modeste ? Nous allons au théâtre pour être dûment trompés.
  2. L’acteur ment en notre nom. Dans les mensonges de la scène nous punissons les menteurs de la vie.
  3. Le théâtre nous fait éprouver de la honte pour nos sentiments. Leur superficialité. Leur étroitesse. Le théâtre se moque de la passion dominante de notre vie : l’instinct de conservation. Dans la vie, nous disons toujours « Jusque-là mais pas plus loin, ma santé mentale l’exige… ». Au théâtre, nous disons « Jusque-là et encore plus loin, ma santé mentale l’exige… ».
  4. Entendre qu’ un public a été « ému ». Comme c’est faible. Et encore plus faible d’entendre comment il a été « informé ». Il vaudrait mieux apprendre que le public a été mis en rogne, non pas à cause d’agressions bouffonnes, mais à cause de la mise à nu de ses crimes cachés. Ces crimes – les pires crimes – sont des crimes contre l’expérience personnelle. Le théâtre condamne ce qui relève de la vie non vécue.
  5. C’est la peur du théâtre qui les a incités à le traîner de nouveau dans la rue. Ils ont compris que la foule l’étoufferait, comme elle brûle d’étouffer tous les séducteurs.
  6.  Le public demande la permission de s’évader. Mais pour aller où ? Au-delà du mur il y a un autre mur. Il est sans doute inutile de le savoir. Toutefois, le savoir du théâtre n’est pas du genre utile.
  7. Le théâtre ne nous apprend rien. Quelquefois, néanmoins, il y a pléthore de professeurs. Mieux avut donc fréquenter une rêveuse, et quoi si elle vous conduit à l’égarement ? Vous vous êtes égaré. Qu’est-ce que l’amour, sinon s’égarer loin de soi-même.
  8. « Je n’ai pas compris la pièce. » « On ne vous a pas demandé de la comprendre. Nous non plus, nous ne l’avons pas comprise. Nous l’avons tout simplement crue. Voulez-vous réduire toute vie? »
  9. C’était beau, mais en rien d’une beauté que j’aurais déjà comprise. Cette beauté particulière est venue sous une apparence de laideur.
  10. Le théâtre sépare. Il sépare le public de ses croyances. Il sépare le social de l’individu. Il sépare l’individu de lui-même. A la sortie, le public a du mal à recoudre les morceaux de sa vie. Certains membres du public espèrent en secret ne jamais pouvoir les rassembler…
  11. « Qui est l’auteur de la pièce? » « Qu’est-ce qu’il disait ? » Pourquoi chercher à savoir ce qu’il dit ? C’est la forme de son effort qui constitue l’art.

Traduit par Mike Sens
Arguments For A Theatre, Manchester University Press, 1997.

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// Coproduction :
Le spectacle est coproduit par le Théâtre de Nîmes, le Théâtre du Périscope (Nîmes) et U-structurenouvelle, avec l’aide de la DRAC Languedoc-Roussillon et du Conseil Régional Languedoc-Roussillon.

// Soutien :
Ce spectacle bénéficie du soutien de Réseau en Scène Languedoc-Roussillon.
La compagnie est soutenue depuis plusieurs années par la Ville de Montpellier.

// Remerciements :
Remerciements chaleureux au Théâtre de la Maison Rouge de Pignan (34) au Centre Dramatique National – Théâtre des Treize vents, ainsi qu’à l’École Supérieure d’Art Dramatique de l’Agglomération de Montpellier. Merci à Marie Delphin.

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// Crédit photographique : Marc Gaillet / marcgaillet@gmail.com
// Création vidéo : Cyril Laucournet / laucournet.cyril@wanadoo.fr
// Création graphique : Axelle Carruzzo / axelle.carruzzo@gmail.com

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