Dirty Week-end

Un conte sans morale

Stefan Delon travaille à la nouvelle création de la compagnie U-structurenouvelle qui aura pour thème la violence. Il s’appuie sur le roman Dirty Week-endet notamment le travail de la philosophe et féministe contemporaine Elsa Dorlin qui a utilisé ce roman comme pivot pour ses recherches sur l’autodéfense.

9782355221101_largeDirty Week-end est un thriller de Helen Zahavi, autrice britanique qui, quelques semaines avant sa sortie en 1991, est dénoncé par la presse et accusé d’être un brûlot immoral, ultra-violent et pornographique. Dans l’histoire moderne de la censure en Angleterre, le roman est le dernier opus à faire l’objet d’une demande d’interdiction de publication et de diffusion auprès du Parlement de Londres.
Elsa Dorlin prend appui sur ce roman dans son livre Se Défendre afin de donner à voir ce que c’est que ladite « condition féminine » – concrètement : être objet de harcèlement permanent et propose une manière d’en sortir… Se défendre.

Bella, l’héroïne de Dirty Week End est la figure même de la victime devenue bourreau. Bella est une figure de la banalité qu’il y a à être violentée, et son week-end meurtrier, la fiction qui sert à faire éprouver cette expérience de la violence. Bella vit seule dans un tout petit appartement en semi-sous-sol d’un immeuble modeste, typique de Brighton, ville côtière du sud de l’Angleterre. Comme des millions d’autres, Bella est une jeune femme sans histoires, dont nul n’était censé se souvenir. Dans la vie, elle n’a ni ambition ni prétentions, pas même au bonheur le plus simple. Perdre semblait lui convenir.

Les premières pages qui décrivent la vie de Bella dessinent en creux ce qui pourrait être qualifié de phénoménologie de la proie. Bella est très vite agressée par un homme très ordinaire. L’agression, loin de marquer un point de rupture dans l’itinéraire d’une vie sans histoires, n’est en fait que le révélateur de ce que les expériences continuées de la violence ont déjà abîmé chez elle. Elle rencontre un voyant iranien, qui lui fait prendre conscience que, jusqu’ici, elle s’est défendue mais qu’elle s’est épuisée à prendre sur elle.413NAZWQAML

Une question surgit alors : que peut-elle faire à présent, que lui est-il permis d’espérer ? Se défendre. Elle comprend juste qu’elle est en colère et décide de prendre soin d’elle-même, et agir sur le monde. Et, pour cela, il faudra qu’elle transgresse les règles en vigueur.

L’histoire de Bella est un conte, sans morale, Bella est un monstre au sens étymologique du terme : celle que l’on montre du doigt.

L’héroïne de ce roman est certes féminine, mais on ne parle en réalité que des hommes.

L’essentiel du travail de création va se centrer sur la proximité : un homme ou une femme va raconter l’histoire de Bella, sur un plateau, au milieu du public… afin de faire ressentir le mal-être, le dégoût de soi-même, la peur, la violence de ce qui est conté.
Après une période d’adaptation et d’écriture, la compagnie projette deux périodes de résidence de création. La recherche de partenaires pour de ce projet est en cours.

Référence(s) :
Elsa Dorlin, Se défendre. Une philosophie de la violence, Paris, Zones, 2017
Helen Zahavy, Dirty Week End, Paris, Phébus, 2000